Exposition collective Confection/Confession
JE N’AI PAS À ME SOUVENIR TANT QUE JE VOIS
ANDRÉ DU BOUCHER, ÉCRITS SUR L’ART. ÉDITION POL
Le cache produit le bord, qui lui-même marque l’arrêt, donc le début du marquage de la peinture par touche. Le cache dégagé laisse apparaître la forme de celui-ci en vide. Ce même vide (ou blanc) de la surface révèle une forme, un signe, une intention par jeu des bords. Apparition de la peinture, qui marque, et le blanc qui révèle mais ne réfléchit pas (puisque rien ne le personnifie) dans le geste. Il dévoile par appel du sens, le couple insécable, (blanc/signe), comme un immense réservoir de lumière immanente, producteur d’un sens à venir mais aussi de bouclage en effet, s’il révèle, il ferme aussi par une lecture d’ensemble.
Que dit cet assemblage entre le blanc et la marque peinte, que les deux confectionnent une existence, une présence de vie. Quelque chose y est traquée, mais aussi en même temps laisse poindre dans la construction un symptôme du manque, la construction est une épreuve, jamais une preuve.
S’il y a un début de présence, il existe aussi parce que tout ne peut pas être dit, alors, le manque ou la faille y est inscrite. Le symptôme intrinsèquement lié à la composition agit sur la structure qui demande aussi des comptes. Le montage a vocation ultime à faire naître, ce qui devient une nouvelle interprétation d'une origine lointaine, singulière afin d'ouvrir un temps nouveau, un espace circonstancié.
Accès immédiat à une pulsion du voir, regardable en connaissance d’un maximum de causes, mais surtout d'effets désirant. L’artiste guette aux trous de l’absence en fourrageant dedans, dans l’espoir de pressentir un début de dévoilement de cette origine du faire. Il sait qu’elle peut être partiellement là, si la construction demande un arrêt qui justifie l'équilibre de l'ensemble. S’il y a arrêt de l'oeuvre c’est qu’elle dit là maintenant un bout de son manque à être.
Ce qui arrête la composition c’est sa puissance d’attraction juste. Elle appelle ce post-scriptum ce non visible inclusif qui fait coinçage pour faire éclore une sorte de plénitude. La peinture comme machine incubatoire, tumulte de vie, ici, là,
maintenant, révélation de l’image endémique. Le coinçage appartient à tout le monde, surtout aux regardeurs malgré eux. Jeu de passe-passe inconscient ou sanitaire si cela fait capture de sens chez le regardeur. À lui de poursuivre à son tour ce monde, dans la peinture afin d'y trouver la lumière.
La peinture, elle, ne changera pas.
Rappelons que l’origine des causes du Faire s’est détachée pour vivre dans l'écho, dans l’amnésie. Cette fameuse origine qui s’enracine dans une logique de mutation, de translation, d'un mouvement perpétuel. La peinture n’est jamais réduite à sa seule présence, mais à un jeu de présence-absence qui fonde l’écho sur le glissement du ciel. L'artiste court donc après ce qui lui échappe. Il est happé par une sensation kinesthésique que quelque chose d’essentiel va lui être révélé, et permettre par cette clairvoyance d’avoir un rapport au monde modifié. L’art est le véhicule, le travail son trajet, le faire produit l’essence. La vie de l’art c’est son déploiement dans le temps du faire. À l'artiste de remettre cette enquête dans le dépliage successif des travaux à venir, car, il est lui même confronté à ses propres limites, et il le sait. Son oeuvre est une quête sans fond, du voir. Accroché à ses outils, il ne veut pas loger dans l'écho, il veut domestiquer cet entre-deux, il veut en être un bout, pour être enfin debout face à ce souffle vivant.
Le furtif est à l'oeuvre, il pointe par fulgurance de l’universel réorganisé.
La peinture dit, sans lâcher prise l’amour de l’existant.
MICK TEXIER
02/05/2022